Les baux d’habitation en région de Bruxelles-Capitale désormais soumis à l’ordonnance du 27 juillet 2017

1. INTRODUCTION

Le gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale a adopté ce 27 juillet 2017 l’ordonnance de régionalisation du bail d’habitation, venant à abroger et remplacer les dispositions de la loi du 20 février 1991 sur le bail de résidence principale et certaines dispositions du droit commun du bail.

L’ordonnance comprend, d’une part, des dispositions générales applicables à tous les baux d’habitation et, d’autre part, des dispositions spécifiques à chaque type de bail.

Outre les types de baux existant déjà sous la loi du 20 février 1991, à savoir le bail de résidence principale, le bail à certaines personnes morales à finalité sociale en vue de sous-louer à une personne physique et le bail de rénovation, l’ordonnance crée un nouveau cadre légal pour deux types de baux qui étaient régis par le droit commun du bail, à savoir le bail de logement étudiant et la colocation.

La présente contribution ne se veut pas exhaustive de toutes les différences et nouveautés apportées par la législation régionale par rapport au droit existant mais souligne un nombre de modifications et innovations importantes.

2. DISPOSITIONS GENERALES

1. Protection renforcée des locataires

L’ordonnance renforce la protection du locataire à plusieurs niveaux. L’ordonnance concrétise la protection du locataire contre les discriminations en ajoutant aux critères de discrimination du Code du logement une liste précise des données que le bailleur peut exiger du candidat locataire en vue de la conclusion du bail et elle prévoit une sanction de nullité des clauses ne respectant pas le principe d’égalité de traitement.

L’ordonnance détermine de manière précise le contenu de l’obligation d’information précontractuelle à charge du bailleur, notamment quant aux charges locatives. A défaut, le locataire qui en subit un préjudice peut solliciter la résolution du bail aux torts du bailleur. Le juge peut également sanctionner le bailleur qui aurait sciemment omis d’informer correctement son locataire sur les charges en limitant la participation dans les charges de ce dernier à l’évaluation des charges telle que transmise avant la signature du bail.

L’ordonnance prévoit enfin des sanctions civiles en cas d’interdiction à la location (article 8 du Code bruxellois du logement). Le bail est caduc de plein droit s’il a été conclu antérieurement à une telle interdiction. Si le bail a été conclu postérieurement à l’interdiction, il est frappé de nullité de plein droit. Il faut toutefois que l’interdiction soit imputable au bailleur.

2. Extension des travaux par le bailleur dans le bien loué

Alors que la loi fédérale (article 1724 du Code civil) n’autorisait le bailleur qu’à effectuer des travaux dans le bien loué en cas d’urgence, l’ordonnance prévoit dorénavant qu’il sera également autorisé à exécuter des travaux visant à l’amélioration de la performance énergétique du bien loué, au maximum une fois par triennat.

3. Le non-enregistrement du bail n’entraîne plus automatiquement l’exonération d’indemnités dans le chef du locataire

Le locataire ne sera plus automatiquement exonéré du paiement d’indemnités s’il résilie anticipativement le bail pendant le premier triennat dans l’éventualité où le bailleur aurait omis d’enregistrer le bail dans les deux mois. Cette exonération ne vaudra que si ce dernier a été mis en demeure de procéder à l’enregistrement et qu’il n’y a pas donné suite pendant au moins un mois.

4. Aliénation du bien loué

Dans l’éventualité où le bail n’aurait pas date certaine avant l’aliénation du bien loué, l’acquéreur dispose de six mois, au lieu de trois, à dater de l’acte authentique pour mettre fin au bail pour certains motifs.

5. Décès du locataire

L’ordonnance a le mérite de mettre fin à l’inconfort du bailleur en cas de décès du locataire. A présent, lorsque le bien loué est vide après le décès du locataire, le bailleur peut considérer le bail résilié sans préavis, ni indemnité.

6. Documents à établir par le gouvernement

Le gouvernement est invité à déterminer un modèle de bail, des normes de salubrité, sécurité et habitabilité ainsi qu’une liste de loyers qui n’aura toutefois qu’une valeur indicative.

3. BAUX SPECIFIQUES

7. Bail de résidence principale

Les dispositions relatives au bail de résidence principale concordent en grande partie avec la législation existante, à savoir la loi du 20 février 1991.

Notons que l’ordonnance met à charge du bailleur l’obligation d’informer le locataire de son intention de vendre le bien loué. 8. Bail de logement étudiant Les dispositions relatives au bail de logement étudiant sont d’application pour autant que le locataire n’établisse pas sa résidence principale dans le bien loué.

Conscient des abus dans la pratique, le législateur régional impose la délivrance, avant toute conclusion ou prorogation du bail, d’une attestation d’inscription régulière dans un établissement d’études.

Ces baux peuvent être conclus pour une durée maximale de douze mois et seul le preneur est autorisé à les résilier anticipativement, moyennant préavis d’un ou deux mois selon le cas.

9. Colocation

L’ordonnance crée également un cadre légal pour la colocation.

Les dispositions du bail de résidence principale s’appliquent sauf dispositions contraires.

L’ordonnance prévoit des règles spécifiques relatives à la résiliation du bail.

Le colocataire peut mettre fin au bail à tout moment moyennant un congé de deux mois et l’obligation de trouver un nouveau colocataire. Il s’agit d’une obligation de moyen, le colocataire sortant devant pouvoir démontrer qu’il a effectué une recherche suffisante.

A défaut de remplir cette obligation, le colocataire sortant peut rester solidairement tenu des obligations des autres colocataires pendant maximum six mois après l’expiration du congé.

En cours de bail, tous les colocataires sont solidairement tenus vis-à-vis du bailleur.

Les modalités de la vie en communauté sont déterminées dans un « pacte de colocation ».

10. Bail intergénérationnel et solidaire et bail glissant

L’ordonnance régule également le bail intergénérationnel et solidaire, pour lequel le gouvernement doit encore édicter les dispositions applicables, et le bail glissant visant la sous-location par une personne morale à finalité sociale d’un bien à une personne physique aux fins qu’elle y établisse sa résidence principale.

Loi du 20 février 1991 connaît ce dernier type de baux et stipule, entre autre, que la personne morale a le droit de sous-louer le bien sans l’autorisation du bailleur. En vertu de l’ordonnance, la personne morale a désormais le droit de céder le bail au sous-locataire sans que le bailleur ne puisse s’y opposer « pour autant qu’elle estime que [le sous-locataire] a atteint les objectifs de l’accompagnement social définis en début de bail, dont un degré d’autonomie suffisant ». Ainsi, une relation directe s’établit entre le bailleur et l’ancien sous-locataire.

Le bail glissant peut être conclu pour une durée initiale de maximum trois ans. En cas de cession comme visé ci-dessus, le bail est sensé avoir été conclu pour une durée de neuf ans à dater de son entrée en vigueur.

4. MODIFICATIONS DU DROIT COMMUN DU BAIL

L’ordonnance insère un paragraphe 3 à l’article 1728bis du Code civil prévoyant que le gouvernement peut imposer un autre système d’indexation des loyers sur la base de l’évolution des salaires et revenus de remplacement. Cet article prévoit actuellement une évolution du loyer sur la base de l’évolution des prix à la consommation (indice santé).

Les articles 1714bis, 1716, 1717, 1720, 1743, 1748, 1750, 1754 et 1756 du Code civil cessent d’être d’application à l’entièreté des baux d’habitation visés dans l’ordonnance.

Les articles 1736 à 1740, de même que les articles 1757 et 1758 du Code civil, cessent d’être d’application pour les baux de résidence principale, les baux de logement étudiant et les baux d’habitat intergénérationnel et solidaire.

L’ordonnance abroge également les arrêtés royaux des 8 juillet 1997 et 4 mai 2007 relatifs aux normes de sécurité, salubrité et habitabilité.

5. ENTREE EN VIGUEUR

L’ordonnance a été publiée au Moniteur Belge le 30 octobre 2017. Elle entrera en vigueur à la date à déterminer par le gouvernement. Les dispositions relatives à la protection du locataire contre la discrimination s’appliqueront aux baux conclus ou renouvelés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les dispositions générales s’appliquant à tous les baux d’habitation et les dispositions relatives au bail de résidence principale s’appliqueront aux baux en cours, à l’exception des articles 217 (obligation d’information précontractuelle), 218 (mentions obligatoires dans le bail et forme du bail) et 219 §4 et §5 (les sanctions en cas d’interdiction à la location) qui seront applicables aux baux conclus ou renouvelés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les dispositions relatives au bail de logement étudiant s’appliquent à la date établie par le gouvernement, ainsi qu’aux baux conclus ou renouvelés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Les autres dispositions s’appliquent aux baux conclus ou renouvelés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, sous réserve de ce qui suit.

L’article 227 de l’ordonnance (obligation d’enregistrement à charge du bailleur et exonération du locataire du paiement d’indemnité en cas de non-enregistrement dans les deux mois) s’applique aux baux en cours, sauf si le préavis a été signifié par le locataire avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

L’article 229 de l’ordonnance (aliénation du bien loué) s’applique aux baux en cours, sauf si l’aliénation est postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

L’article 230 de l’ordonnance (cession et sous-location) s’applique aux cessions et sous-locations à dater de l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

La disposition visant à abroger les articles 1754 à 1756 du Code civil (obligations d’entretien et de réparation des parties) s’applique dès l’entrée en vigueur de l’arrêté du gouvernement prévu à l’article 223 de l’ordonnance relatif aux obligations d’entretien et de réparations du bailleur et du locataire.

Judit Karlsson